La reconversion professionnelle, la lumière au bout du chemin…

Vouloir changer de look, de vie (professionnelle et/ou privée), de pays. Bref, aspirer au changement pour retrouver un second souffle, renouer avec l’estime de soi, redevenir maître de son propre destin. Qui, au moins une fois au cours de son existence, n’a pas songé à emprunter d’autres rails que ceux sur lesquels on se trouve arrimé ? Quasi d’ordre existentiel, la question du changement a pour ramification directe celle ayant trait à la reconversion professionnelle, souvent source à la fois d’espoir d’un avenir meilleur et d’inquiétude liée au fait de « lâcher la proie pour l’ombre ». Si vouloir changer de métier ne constitue en rien une nouveauté, l’actuelle explosion du chômage n’en incite pas moins de plus en plus de femmes et d’hommes de tous âges et de toutes catégories socioprofessionnelles à reformuler, voire à réinventer, leur plan de carrière. Engagée de manière volontaire pour certains, elle apparaît psychologiquement subie pour (beaucoup) d’autres.

Le refrain est connu : « on sait ce que l’on quitte, on ne sait pas ce que l’on prend » ! Jamais comme aujourd’hui où le ciel de notre économie est au gris anthracite et le baromètre de notre marché du travail en passe de virer au rouge cramoisi, déclarer à son entourage vouloir changer d’orientation professionnelle, pire même, démissionner de son poste, c’est aussitôt risquer d’entendre une envolée de « mais tu es complètement inconscient », « mon pauvre ami, tu risques sacrément de déchanter » et autres reproches ayant trait à l’inconséquence d’envoyer tout promener en période de crise. Pourtant, en dépit de ce climat d’incertitude qui pèse au-dessus de nos têtes, selon récente étude de la TNS Sofrès, 57% de nos concitoyens, employés au sein d’entreprises de plus de 500 salariés, expriment un tel vœu. Même s’il apparaît difficile de quantifier exactement le nombre de personnes aujourd’hui en état de reconversion professionnelle dans notre Hexagone, selon les différents constats effectués pour les besoins de la constitution de l’Executive Business Accelerator dont l’activité a démarré en juin 2013 par Gilles Bouchard, son CEO, celles-ci se chiffreraient à plusieurs… millions ! « La problématique par rapport à la reconversion tient à la pudeur extrême dont beaucoup font montre pour en parler. Sand doute parce qu’elle est souvent liée à une période de chômage plus ou moins longue.

Si de nombreux facteurs interviennent dans la motivation à se reconvertir, on peut cependant distinguer deux grands types de reconversion. D’une part, celle faite volontairement par recherche d’une plus grande satisfaction dans le travail,  d’un besoin d’évolution, d’un nouveau sens à donner à sa vie qui incite par exemple à quitter son emploi pour se lancer dans la création d’entreprise. D’autre part, la reconversion involontaire, subie par défaut, à la suite d’un licenciement, d’un accident du travail ou parce que le métier que l’on exerçait jusque-là est en voie de mutation profonde ou de disparition. Mais dans ces deux hypothèses, force est de constater que les personnes se révèlent tout aussi secouées psychologiquement par les changements affectant brusquement leur vie personnelle et sociale ainsi que pas les obstacles ne manquant pas de surgir en termes de reconversion. Le fait de se reconvertir résonne souvent comme la conséquence directe d’un état de chômage avec, pour corolaires, les parts d’incertitude et de risque qui y sont liées ».

Une étrange sensation de flottement amenant malheureusement un bon nombre de ces personnes, que dans le jargon spécialisé on préfère pudiquement qualifier sous la rubrique « en état de sortie du système productif » plutôt que les désigner sous l’appellation certes plus crue de chômeurs, à éprouver des sensations de déprime et de négation de soi. Et même si tout un chacun peut ou se trouve en situation de perte d’emploi, au regard des études réalisées sur la reconversion professionnelle, ce sont toutefois les quarantenaires et plus qui apparaissent majoritairement concernés. Une catégorie, là encore toutes les études le montrent, particulièrement sensible aux paramètres de sécurité, d’accomplissement et d’estime dans leur cadre professionnel.

Or, lorsqu’il se produit une perte d’emploi, cet événement va tellement peser sur le mental qu’il finit par littéralement plomber dans un certain nombre de cas la faculté de se reconvertir. Un constat que Gilles Bouchard ne manque pas de relever au quotidien. « On le voit dans toutes les catégories de profil, y compris chez les hauts dirigeants voulant reprendre une entreprise. On s’aperçoit que la plupart du temps, ils se retrouvent eux aussi dans un état de forte déstabilisation ». Une forme de panique insidieuse que certains observateurs de la vie publique française considèrent comme l’un des dommages collatéraux de la politique menée depuis trois décennies et de concert par les syndicats et les entreprises. Une politique consistant à faire sortir de ce fameux circuit productif à soixante ans, avec cette vision très malthusienne consistant à soutenir que cela permettrait de préserver ainsi cette tranche d’âges médians représentée par les 43-55ans. Le bilan ? Un échec total dans la mesure où, par rapport aux nouvelles donnes en matière de retraite et d’allongement de la durée de cotisations, une personne âgée de quarante ans aujourd’hui aura encore un minimum de vingt-cinq ans d’activité professionnelle à assurer !

La grande question des formations

En tout état de cause, pour envisager une reconversion, encore faut-il au préalable avoir un projet professionnel. Pas toujours évident dans le cas de la reconversion involontaire. D’où l’intérêt d’effectuer un bilan de compétence, histoire de pouvoir évaluer ainsi ses acquis et faire un point sur ses aspirations. Des organismes comme Pôle-Emploi et l’APEC ainsi que des associations type l’AVARAP proposent ainsi des rencontres et des ateliers en ce sens. Une première étape balisant le chemin d’une reconversion professionnelle qui se doit de passer (en principe) dans un second temps par une période de formation. Laquelle peut alors s’effectuer soit au sein même de l’entreprise – si l’on est bien sûr toujours en poste et que ce type de formule ait été prévu au préalable dans une convention collective ou un accord professionnel ou que la formation de son choix fasse partie du package de départ -, soit de manière indépendante.

Si les organismes de formation, publics (l’AFPA, et les GRETA, pour ne citer qu’eux) et privés (à 97%), se dénombrent à l’instar des feuilles mortes de l’immortelle ritournelle de Prévert et Kosma « à la pelle » (près de 60.000 sont répertoriés) et constituent manifestement un marché qui ne connait pas la crise avec un chiffre d’affaires réalisé en 2011 de l’ordre de 13,1 milliards d’euros, le point noir tient au faible pourcentage, 12%, que représentent les demandeurs d’emploi sur les 23,8 millions de stagiaires recensés auxquels sont dispensés 1152 millions d’heures de formation. Une faiblesse d’autant plus paradoxale que l’enveloppe budgétaire consentie par l’Etat, Pôle-Emploi, les vingt-six régions et les quarante-huit organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) représente chaque année la coquette somme de 27 milliards d’euros ! Une aberration aussi dans la mesure où, au sein d’un organisme public comme Pôle-Emploi n’existe plus aujourd’hui une offre, un financement et un accompagnement qui soient réellement structurés pour celles et ceux en quête de reconversion. Des personnes qui se voient bien souvent proposer, à défaut de formation, de créer leur propre entreprise. Sauf que, simple constat de bon sens, tout le monde n’a ni les capacités, ni le tempérament, ni forcément l’envie de plonger dans le bain à forts remous de l’entrepreneuriat. « Comme Pôle-Emploi ne finance plus aucune formation, les masses de gens qui se retrouvent sans aucune perspective vivent une situation dramatique parce qu’on ne les voit pas. Ils sont en situation de repli, de désocialisation. Cela se passe très vite et dans la plus grande des pudeurs » déplore Gilles Bouchard dont l’entité qu’il dirige a pour finalité, via un programme intensif de trois mois, d’immerger totalement les « stagiaires » en mode de fonctionnement start-up.

Un bon impact auprès des entreprises

S’il demeure une difficulté d’ordre psychologique à faire état de son statut de « reconverti » professionnel, il semblerait pourtant que les entreprises considèrent d’un bon œil ceux qui, à un moment donné de leur parcours, ont pris un tel chemin. Mieux, elles les embaucheraient plus volontiers que des candidats classiques. C’est en tous cas ce qu’il ressort d’un sondage OpinionWay réalisé pour le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) où plus de la moitié des chefs d’entreprise et des directeurs des ressources humaines interrogés déclarent avoir déjà recruté des personnes reconverties. Avec un taux de totale satisfaction en raison de la motivation accrue, de l’adaptabilité et du regard neuf sur le métier dont font preuve de tels profils.

Pourtant, si l’on rencontre des agents SNCF, des juristes, des enseignants, des journalistes, des militaires, des médecins, des graphistes, voire des prêtres dans les rangs de ceux ayant décidé de prendre un autre virage en termes de carrière, ces parcours demeurent rares encore chez les cadres. Pas évident, après vingt ou trente ans à œuvrer dans la comptabilité de passer dans la sphère de la communication ou du marketing. Du moins si l’on regarde des cabinets de recrutement qui continuent à privilégier le clonage des profils plutôt que de miser la carte plus « aventureuse » du candidat passé par un processus de reconversion professionnelle. « Ce n’est que le reflet d’une société française dont les instances qui la dirigent apparaissent totalement en déphasage avec cette donne. D’où le fait qu’en l’état actuel, seules les initiatives privées sont en mesure d’y répondre dans un Hexagone où, désormais, toutes les trente-sept secondes une personne franchit la barre des 50 ans » conclut Gilles Bouchard.

Pourquoi ont-ils fait le choix de la reconversion ?

Deux témoignages recueillis dans le cadre de l’Executive Business Accelerator

Jean, 40 ans – Ecole Centrale, INSEAD

« A la suite d’un plan de restructuration au sein d’un acteur majeur dans le conseil en stratégie, je me suis trouvé confronté pour la première fois à une recherche active d’emploi, après un parcours de 15 ans, sans écueil, en tant que conseil en directions générales de grands groupes. Une vraie douche froide ! Mon employeur m’a généreusement proposé un prestation d’outplacement, qui m’a permis de faire un bilan approfondi sur mon cœur de compétences et d’affirmer ma fibre entrepreneuriale. Après avoir fait le tour d’une vingtaine de grands groupes du CAC 40, rencontré de nombreux chasseurs de tête, j’ai pris conscience que mon repositionnement serait très incertain, en raison de la morosité économique et de la lenteur des cycles de décision.

Trop politique, carrière incertaine, intérêt du poste ? Suis-je réellement destiné à continuer un parcours linéaire, certes, socialement plus lisible ? Ayant fait le deuil d’une reconversion rapide au sein d’un grand Groupe, j’ai puisé au plus profond de mes ressources et me suis rapidement convaincu que ma meilleure option de reconversion était la création d’une entreprise dans le numérique, secteur que je connaissais bien. J’ai trouvé au cœur de l’Executive Business Accelerator une excellente empathie, de l’écoute, une compréhension de mon mode de fonctionnement, nécessaires après une longue période de chômage. Aujourd’hui, je suis en train de finaliser la phase d’accélération, pour un départ lancé début 2014 ! »

Christophe, 55 ans – ESSEC, Harvard Business School

“J’ai réalisé toute ma carrière dans des groupes industriels, essentiellement dans la fonction marketing d’un grand groupe international de l’automobile. La perspective d’une opération de fusion-acquisition m’a fait prendre conscience du risque très probable de devoir m’effacer dans le cadre de la recomposition du comité de direction. Après mûre réflexion, j’ai donc décidé de négocier mon départ dans de bonnes conditions. Avec le CEO Europe du même groupe, nous avons alors concrétisé notre projet de reprendre ou de créer une entreprise dans la sous-traitance aéronautique, secteur qui présente de nombreuses similitudes avec les activités dont nous sommes issus.

Après quelques mois de réflexion très active, nous sommes rentrés en contact avec l’Executive Business Accelerator, un accélérateur de reconversion et d’accompagnement de dirigeants et de cadres voulant créer ou reprendre une entreprise. Un processus accéléré et dense (1200 heures sur 4 mois) conduit par des entrepreneurs-investisseurs issus de la Harvard Business School et disposant d’une triple expérience grands Groupes, startups et capital investissement. Ici, tout est mis en œuvre pour opérer une véritable transition professionnelle et personnelle d’une logique de fonctionnement de grand groupe avec une logique de startup. Avec de surcroît l’intégration d’un réseau mondial de plus de deux cents entrepreneurs et investisseurs. »

Philippe Dayan, rédacteur en chef, Information Entreprise, n°151

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