Pourquoi se crée-t-il en moyenne trois fois moins de startups en France qu’aux Etats-Unis ? Tout simplement parce que nous n’avons pas encore su réconcilier et articuler pleinement l’innovation avec la créativité d’un côté, la recherche et l’entrepreneuriat de l’autre. Innovation et créativité Le discours ambiant semble parfois confondre innovation
et créativité. Question de culture et de système probablement. Et pourtant, l’innovation n’est pas une invention. L’innovation est très souvent mal identifiée et difficilement mesurable. Elle est toujours à la fois un processus d’émergence complexe et un résultat. Elle n’existe qu’à partir du moment où le marché la valide. Elle ne produit de la valeur que pour les entreprises qui prennent des risques. La créativité est quelque part plus simple, plus concrète et plus facilement palpable. Elle conduit directement à l’invention. La susciter et l’apprendre répond à un processus plus simple et plus rapide. La créativité ne doit pas son existence à une validation par le marché. Elle consiste tout simplement à ouvrir les cerveaux en amont de l’apprentissage des connaissances. A leur faire percevoir la transversalité existant entre des disciplines et des manières de penser différentes. Le risque en est une dimension intrinsèque et naturelle. En privilégiant les connaissances au détriment de la créativité, nos systèmes stérilisent l’inventivité faite de sensibilité, d’observation, d’expériences réitérées, bridant ainsi ces catalyseurs indispensables de l’innovation. En privilégiant le savoir au détriment de l’inventivité, ils rendent difficile la création naturelle de passerelles entre les métiers (recherche – industrie – finance) et les structures (laboratoires – startups – grandes entreprises). Ceci est d’autant plus handicapant que les rapports entre science, innovation et entrepreneuriat ne sont pas forcément de type amont-aval. Les innovations peuvent être stimulées par la recherche scientifique et les technologies qui en découlent tout autant que par les entreprises qui les développent. Elles peuvent également être structurées par celles-ci, le dénominateur commun restant la créativité qui demeure le parent pauvre de notre système d’éducation, à quelque niveau que ce soit. Recherche et entrepreneuriat Comme le souligne très justement le SIE Network sie-network.com, « trop de jeunes scientifiques et d’ingénieurs décident de mettre leurs talents au service de grandes entreprises, dans des domaines parfois très éloignés de leurs passions et de leurs expertises. Même si ils y excellent souvent, ils ne créent pas une valeur ajoutée aussi passionnante et durable que celle issue de leurs propres recherches. Les carrières scientifiques ne sont aujourd’hui pas assez valorisées en France. Le monde de demain est pourtant rempli de challenges techniques et scientifiques auxquels il faudra apporter des solutions. Et les réponses à ces questions fondamentales résident dans l’innovation technologique». L’Institut Montaigne dresse le même constat lorsqu’il souligne « qu’un trop grand nombre d’ingénieurs formés et diplômés en France s’éloignent non seulement du métier d’ingénieur stricto sensu mais également des métiers de l’industrie, en leur préférant notamment la finance ». Pourquoi tant de nos étudiants brillants vont-ils compléter leur parcours aux Etats-Unis ? Tout simplement pour aller y chercher une véritable pédagogie de la créativité et de l’innovation qui manque à l’enseignement souvent abstrait qu’ils ont reçu en France. Pourquoi restent-ils ensuite aux Etats-Unis ? Tout simplement parce que cette pédagogie de l’expérience, associée à un niveau scientifique souvent bien supérieur à leurs homologues étrangers à même niveau d’étude, en fait des profils très recherchés. Des ingénieurs à même d’accompagner efficacement les transferts de technologies de la paillasse de laboratoire à l’application industrialisable et commercialisable. Des Doctorants qui ont l’opportunité d’alterner recherche, enseignement et création de startup dans un cursus où la sensibilisation et l’accompagnement à l’entrepreneuriat sont très forts. Comme le dit avec beaucoup de justesse Stéphane Mallat, Professeur à Polytechnique : « La recherche, aussi bizarre que cela puisse paraître, est une excellente formation pour la création de startup. Les premières phases sont très similaires : recherche de financement, levée de fonds… ». Mais surtout, « créer une startup technologique, c’est décider qu’on veut être le meilleur dans le monde dans son domaine grâce à une innovation de rupture ». Alors, que faire ? Des solutions simples Renverser notre culture de l’entrepreneuriat. Il faut « reformater » nos mentalités et « débiaboliser » la recherche publique à visée applicative. Ceci afin de permettre une revalorisation du transfert de technologie issue des organismes publics vers les startups. Seulement alors le profil de chercheur-entrepreneur émergera et deviendra partie intégrante de la recherche. François Nemo a parfaitement analysé la question lorsqu’il rappelle que notre culture économique, fondée sur les Lumières et l’influence Saint-simonienne, s’appuie sur le savoir plutôt que sur l’expérience. « C’est la France des grandes inventions, des grands projets, des grandes écoles, des grandes administrations qui génèrent des esprits hautement rationnels, cartésiens, méthodiques, d’excellents ingénieurs, gestionnaires ou administrateurs. Des dirigeants qui s’appuient sur des modèles de hiérarchie verticaux et cloisonnés qui ont fait leurs preuves pendant de nombreuses générations mais qui aujourd’hui trouvent leur limite dans ce nouveau monde ouvert, multiculturel, modelé par les réseaux et les nouvelles technologies. Une culture élitiste et sélective profondément ancrée dans les institutions politiques et économiques et qui bloque l’émergence des idées créatives souvent portées par les entrepreneurs ». Rééquilibrer savoir et expérience dans nos cursus d’études, et ce à tous les niveaux. C’est en ce sens qu’il faut intégrer la proposition de l’Institut Montaigne de créer « des « centres scientifiques expérimentaux », avec du matériel de laboratoire en libre accès pour les élèves, qui pourraient ainsi travailler sur le tas, à l’instar de leurs homologues des grandes université américaines telles que le MIT, Harvard ou encore Stanford, qui doivent valider leur Master par un Master’s thesis préparée au sein des laboratoires, véritables pépinières de futures startups où se côtoient chercheurs, étudiants et entreprises. Il faut ainsi promouvoir les initiatives très récentes telles que le FacLab de l’Université de Cergy Pontoise ou encore La Paillasse, laboratoire issu du mouvement français « Do It Yourself » centré sur la biologie et ouvert au public. Inverser culture technologique et culture de l’idée. C’est souvent par le biais des moyens, de l’organisation et du financement que l’on traite de l’innovation en France, alors que « la véritable problématique ne réside ni dans le financement, ni dans la technologie ». Elle réside dans la créativité du business model, dans la proposition de valeur qui fonde le projet, dans l’investissement immatériel pour lequel il existe une véritable excellence française. Il s’agit bien là de renforcer la créativité par rapport à l’innovation en évitant de confondre l’une avec l’autre. Ces quelques propositions n’excluent pas, bien entendu, la nécessité de structurer la filière de la recherche, de renforcer la collaboration entre grandes entreprises et startups innovantes tout en consolidant la chaîne de financement qui doit les lier. N’oublions qu’il y a un grand gisement de jeunes scientifiques et ingénieurs très compétents pour lesquels l’entrepreneuriat est désormais partie intégrante de leur culture. Favorisons les conditions de leur épanouissement. Qu’ils puissent être à l’origine d’un AMGEN, cette société de biotech américaine fondée en 1980 par trois chercheurs, qui compte aujourd’hui près de 18.000 collaborateurs et génère plus de 14 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Qu’ils puissent marcher sur les pas de Roland Moreno, l’inventeur de la carte à puce, mais avec une dimension de business development supplémentaire. Celle que les Pouvoirs Publics auraient dû lui apporter pour créer un Apple d’une autre envergure avec plus de 7 milliards de cartes actuellement en circulation. Rappelons au passage qu’il lui aura fallu près de huit ans pour convaincre banquiers et industriels de l’utilité de son invention… Gilles Bouchard & Xavier Duportet Accelerators & Incubators, accelerateur, incubateur, entrepreneur, entrepreneurship, Executive Business Accelerator, Gilles Bouchard, Harvard Business School, Harvard Business Angels, innovation, Louis Catala, reconversion, startups, Audra Shallal, expertise, entrepreneur investisseur, développement, international, entreprise de croissance, accompagnement cadres et dirigeants, cadres, dirigeants, grands groupes, outplacement, startupper